Opinions au ROYAUME-UNI

Risque de blocage The Guardian

Le non de la France porte un coup très dur à la crédibilité et à la popularité de l’Union européenne. Mais ce qui est en jeu, c’est bien plus que la crédibilité. La conséquence immédiate de cette crise est qu’il semble difficile pour la Turquie d’engager dès octobre les négociations sur son adhésion, car l’hostilité à son égard a été l’un des éléments clés de la campagne des partisans du non en France et aux Pays-Bas. Les perspectives d’un accord sur le budget européen pour 2007-2013 s’éloignent également. On espérait que ce dossier serait réglé avant que le Royaume-Uni n’assume la présidence de l’Union, à partir du 1er juillet prochain. Comme l’Allemagne sera en campagne électorale à l’automne, il faudra reporter cette tâche monumentale à l’année prochaine, une date dangereusement proche de l’échéance.

On va beaucoup entendre parler, dans les jours à venir, d’un sursaut salutaire. Mais il n’y aura rien de salutaire dans cet échec si les Etats choisissent la voie du nombrilisme et établissent des priorités étroitement nationales. Si le Royaume-Uni continue de vouloir conserver sa ristourne, il n’est pas inconcevable que d’autres pays veuillent reprendre leur souveraineté ou résistent à l’appel au démantèlement des barrières commerciales.

L’idée que surgirait des décombres un noyau franco-allemand œuvrant à l’intégration européenne semble relever du fantasme : qu’auraient à offrir, en matière de leadership, les deux économies les plus grandes et les moins performantes de la zone euro ? Il faudra du temps pour que les choses se décantent. Mais, même alors, il est loin d’être certain que le chemin soit dégagé.

- A nous le leadership ! The Scotsman

A quelque chose malheur est bon. Le non français permet en effet à Tony Blair de se libérer d’un référendum similaire l’année prochaine – une épreuve électorale qu’il avait de grandes chances de rater. De plus, le rejet français de quoi que ce soit qui ressemble au modèle britannique de dérégulation économique et d’une croissance fondée sur l’ouverture des marchés repousse l’adhésion de la Grande-Bretagne à la zone euro d’une génération, au moins. D’un autre côté, la paralysie qui a gagné le bon vieux projet européen d’après guerre est une chance pour Londres : le Royaume-Uni peut enfin prétendre au leadership en Europe. Après tout, la Grande-Bretagne a pris le dessus sur la France – d’un point de vue économique – depuis plus de dix ans. Londres doit maintenant promouvoir une Europe des nations, fondée sur la libre circulation des marchandises, des services, des citoyens et des capitaux. Le vieux modèle intégrationniste a échoué. Bref, il nous faut défendre la diversité nationale contre l’uniformité et la bureaucratie bruxelloise, que les électeurs français viennent de rejeter.